Pour progresser en acroyoga, il faudrait idéalement structurer ses entraînements, tout en assurant sa sécurité physique et émotionnelle. Ce texte est le premier d'une série de trois articles qui visent à donner des pistes pour créer une routine et un environnement propice à son développement.
FABRICE PIÑOL
L'acroyoga construit un côté communautaire très fort et c'est globalement un super esprit. Très orienté jeu et divertissement, on voit beaucoup de personnes venir aux jams avec des vidéos prises sur internet et essayer de réaliser les enchaînements en petits groupes pour s'amuser et partager un moment convivial. Lors d'un article précédent, je mettais en évidence la différence entre entraînement et jeu (voir "Acroyoga: entre quête ludique et poursuite de l'excellence")
En résumé très succinct, ceux qui cherchent le jeu sont là pour le fun, le côté social, profité du moment et des personnes présentes, essayer des nouvelles choses pour le fun. Ceux qui veulent s'entraîner visent à améliorer leur technique, sortir les tricks des spotters, etc.
Vous êtes un duo qui veut progresser et vous vous demander comment vous y prendre? Voici une série d'articles qui est faite pour vous!
Comme déjà souvent mentionné, les cours sont un bon moyen de comprendre la technique, et de faire des essais dans un environnement contrôlé. Ils permettent également de pouvoir poser des questions afin de lever des doutes. Malheureusement, à eux seuls, ils ne suffisent pas pour avoir une progression rapide et efficace, car il manquera nécessairement de la pratique.
A l'inverse, s'entraîner régulièrement sans cours ni coach, permet de progresser, mais instaure toute une série de mauvaises habitudes qui finiront non seulement par bloquer la progression, mais qui en plus pourraient entraîner des blessures sur le moyen-long terme.
Pour ceux qui veulent s'entraîner avec le but de progresser de manière efficiente, il est important de consolider les bases techniques et construire dessus. Une approche plus circassienne/gymnique/structurée est alors recommandée. C'est sur cet aspect que cet article va s'attarder : comment construire un entraînement avec son partenaire? L'article est basé sur mon expérience personnelle, ainsi que sur des discussions avec des acrobates professionnels (je pense en particulier à une discussion très intéressante avec Isaïa et Jarnod lors du DAP 2024) et un vieil article de Wybren réédité en 2021 pour le TT de Partner Acrobatics.
Un bon entraînement comporte trois aspects clés : l'entraînement physique, la sécurité émotionnelle et la sécurité physique. Le sujet étant riche et vaste, il a été divisé en 3 articles complets. Cette première partie aborde principalement l'entraînement physique. La 2e partie traitera des sécurités émotionnelle et physique. La 3e partie décrira quelques bonnes pratiques concrètes comme par exemple le nombre de répétition d'un exercice.
Les objectifs
Il est important de se fixer des objectifs, afin d'avoir une vision vers quoi nous voulons progresser. Les objectifs peuvent être à court, moyen ou long terme. Personnellement, je me fixe 2-3 objectifs chaque année, que je considère des objectifs à moyen terme. Un de mes objectifs l'année dernière, par exemple, était la padcheska. Objectif à court terme en début d'année était un H2H solide en standing. Les objectifs n'ont pas besoin d'être lier. Par exemple, mon objectif long terme était le Tarzan Backtuck, qui est devenu le moyen terme cette année.
Si vous n'avez qu'un seul objectif à long terme, il est probable de sombrer dans les frustrations et ne jamais y arriver... Les objectifs à court terme permettent d'avoir des succès réguliers et de renforcer sa motivation tout en progressant.
Il est important d'avoir en tête les étapes et les problèmes rencontrer pour chaque objectif, afin de savoir ce qu'il faut travailler aux entraînements. Certaines personnes écrivent toutes ces informations dans un cahier, afin de pouvoir garder un suivi.
L'entraînement physique
Il s'agit de l'entraînement à proprement parler : on se retrouve avec son partenaire à un endroit à une heure précise et... Que fait-on? Idéalement les cinq parties suivantes devraient être abordées : Echauffement, Routine, Objectif, Exploration et Cool Down. Au début de l'entraînement, il est important de se mettre d'accord sur les tricks qui seront travaillés lors de cette session, car cela conditionnera chaque partie.
1. Échauffement
L’échauffement est généralement individuel (éventuellement une partie peut être faite à deux) et doit être adapté à vos besoins spécifiques : par exemple, avec Séverine, nous avons crée une Washing Machine appelée "Mont Blanc". Le Mont Blanc contient une transition de F2F à Biceps Stand sur les mains, avec les jambes qui s'écartent en grand écart. Si l'on prévoit de le faire durant l'entraînement, chacun de son côté, nous allons nous étirer les jambes en vue du grand écart à l'échauffement.
J'ai écrit un article qui explique ce que devrait contenir un échauffement et comment le structurer : "Echauffement et récupération"
Il est important de déterminer une durée fixe pour l'échauffement, qui peut varier selon le temps à disposition et les besoins, le but étant que chacun puisse finir au même moment et être prêt pour la suite de l'entraînement à deux.
2. La routine
La routine est un enchaînement ou une série de mouvements/équilibres que l'on maîtrise facilement ensemble. Il ne s'agit pas forcément d'exercices basiques, tout dépend du niveau des participants. La routine est un moment de transition qui permet de finir l'échauffement et de se calibrer pour la suite. Idéalement, la routine inclut des mouvements que l'on peut faire confortablement sans spotter et qui préparent au trick final (le point 3).
Par exemple, il est inutile de faire des one arms, même si on les maîtrise parfaitement, si le but final est le front tuck. A l'inverse, faire des F2H, si le but est de travailler des H2H, semble adéquat.
Le but final va probablement demander plusieurs entraînements et progressions, la routine doit pouvoir être faite aisément et être reproduite à chaque fois que l'on veut cibler l'entraînement sur cet objectif. Elle peut inclure les progressions au tricks final si elles sont maîtrisées.
Lorsque la routine devient beaucoup trop facile, on peut en discuter et l'ajuster. Au bout d'un certain temps, le trick final peut devenir une partie de la routine.
Comme les mouvements sont maîtrisés, cette partie demande très peu de communication. On se concentre sur soi-même et on ne cherche pas à corriger l'autre. Si ce n'est pas un flow, il peut être utile de définir un nombre de répétitions avant, surtout si le temps est limité.
Vous l'aurez compris, cette partie est un drill. Elle permet de se calibrer, bien finir l'échauffement à deux et de se préparer mentalement aux parties à travailler par la suite. Il est possible d'avoir différentes routines pour différents tricks ou différents partenaires.
3. Figure objectif
Pour pouvoir réaliser son objectif, il est important de travailler sur tous les exercices préparatoires qui lui sont liés. Certains de ces exercices peuvent être inclus dans la routine. Le but est d'améliorer sa technique, ce qui rendra le trick final de plus en plus accessible.
Dès lors, les questions qui se posent sont: comment savoir quels sont les exercices à effectuer et comment savoir si on les fait correctement?
Le plus simple est de prendre un coach. Malheureusement, c'est une option qui peut s'avérer coûteuse sur le long terme. Il est néanmoins possible de prendre un cours privé, noter les exercices, se faire corriger sur le moment, puis les pratiquer "à la maison". Une fois la progression maîtrisée, si la figure ne marche toujours pas, on pourra reprendre un 2e cours privé.
Une autre possibilité est d'aller à un workshop sur le sujet. Idéalement, en festival, car on peut encore pratiquer aux jams et demander des précisions aux professeurs présents.
Si ces deux possibilités ne sont pas possibles, alors il faudra se débrouiller seul. Demander des conseils à quelqu'un qui connaît le trick peut être une option. Sinon, il faut essayer de décortiquer les mouvements pour se créer ses propres exercices préparatoires, avec le risque qu'ils ne soient pas appropriés. Avec l'habitude, une bonne partie d'entre eux sont néanmoins facilement trouvables. Il est important de vérifier si ce que l'on pense de manière théorique est effectivement correct. Se concerter avec des personnes expérimentées, afin d'avoir une 2e opinion est une bonne option. Il existe beaucoup de mythes qui circulent, il est important de distinguer les "on dit" avec la réalité.
Parfois, on a la chance d'avoir plusieurs coachs autour de soi, mais ils auront des corrections différentes, parce qu'ils utilisent différentes techniques. Il faudra choisir quelle technique nous convient le mieux. J'en parlerai un peu plus lors du 3e article.
Afin d'être sûr d'être sur la même longueur d'onde, il est bon de discuter des exercices préparatoires avec son partenaire et de définir lesquels vont être travailler lors de cette session d'entraînement.
Comme c'est une phase d'apprentissage, il est important de prendre le temps de se donner des feedbacks et de discuter de ce qui peut être améliorer. La fréquence des feedbacks peut être définie en avance: certains aiment échanger quelques mots après chaque essai, d'autres préfèrent effectuer quelques essais avant de discuter. Il est de coutume de dire que le premier ou les trois premiers sont "gratuits", c'est-à-dire sans feedback.
4. Exploration de nouvelles figures
Ce moment est dédié à l'exploration et au fun. Vous pouvez tenter des figures simples jamais réalisées ensemble ou des mouvements très complexes avec un spotter ou des longes. Parfois, j'aime bien m'amuser à créer de nouveaux mouvements ou des enchaînements.
Cette section de l'entraînement est libre et peut être raccourcie si le temps est limité.
Surtout si on s'exerce régulièrement avec une personne, il est important d'inclure des moments de jeu et de fun, afin que les entraînements ne deviennent pas trop monotones. Il faut se rappeler que pour la plupart d'entre nous, l'acroyoga reste un hobby.
5. Cool Down
Le retour au calme varie selon les personnes. Certains aiment s'étirer ensemble alors que d'autres préfèrent le faire seuls. Dans l'article mentionné sous la partie échauffement, je parle également du cool down avec quelques suggestions.
A la fin du cool down, n'hésitez pas à vous féliciter mutuellement de vos succès, même s'il y en avait peu après une mauvaise séance. Je suis de ceux qui sont convaincus que tout le travail effectué, même lors de séance peu fructueuse, compte et apporte quelque chose, même si cela n'est pas encore visible. Je me souviens d'un entraînement fin de l'année dernière avec Marie où le but était d'affiner un enchaînement de foot juggling assez compliqué. On a écourté l'entraînement après 1h30 (généralement mes entraînements durent 3h, minimum 2h), car beaucoup trop de fatigue des deux côtés, chacun de nous ayant eu une journée très intense avant. Ma remarque à la fin de la séance a été: ce n'était clairement pas notre meilleur entraînement, l'enchaînement n'a pas bien fonctionné, mais chaque tricks individuellement a été effectué au moins une fois de manière clean, alors même que certains d'entre eux sont nouveaux (moins d'un mois de pratique). On peut être déçu de la session, mais cela reste très prometteur et c'est rassurant. Bien sûr, si chaque entraînement se déroulait de la sorte, alors il faudrait réajuster le tir.
La durée de l'entraînement dépendra de chacun ou des disponibilités. Si l'entraînement est court, la tendance est de raccourcir le points 4, puis éventuellement de sacrifier en partie les points 2 et 5, si c'est vraiment très court.
Conclusion
Cet article a décrit ce à quoi devrait ressembler une session d'entraînement. Personnellement, je ne suis pas toujours exactement cet ordre, mais la grande majorité des éléments présentés sont inclus dans mes entraînements, même avec des partenaires différents.
Et vous, qu'en pensez-vous? Comment structurez-vous votre entraînement? N'hésitez pas à commenter cet article et le partager.
Je vous encourage également à rechercher et à participer à des jams, des cours et des ateliers offerts dans votre région. Mes prochains workshops sont listés ici.
Quant à ceux d'entre vous qui cherchent de l'inspiration, n'hésitez pas à consulter mon profil instagram.
Play safe
Merci aux relectrices Léa Barcelo (AcroBird), Marie Pilloud et Laurence Steiner